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Alain Larocque

Le point de bascule -
la réaction de Sobeys, Loblaw et Metro au Canada

Mis à jour : 05 octobre 2021

 

2,5 à 3 minutes de lecture

Il faudra un sang-froid hors de l’ordinaire de la part des dirigeants et des conseils d’administration pour garder le cap.

En mars 2020, j’ai tenté de passer des commandes en ligne auprès de Provigo, Maxi, Metro et IGA : impossible avant 10 jours. J’ai fini par commander chez Young Brothers, mon épicerie de quartier sur Van Horne, qui m’offrait des livraisons la même journée. La qualité des produits frais était irréprochable. On m’appelait sans faute pour autoriser les substitutions de produits manquants.

Comment le service des grandes bannières d’épicerie a-t-il évolué au cours de la dernière année? Comment comptent-elles s’y prendre pour conserver leur part du commerce en ligne des produits d’épicerie, alors qu’elles héritent d’un modèle d’affaires et de répartition des actifs axé sur l’expérience en magasin?

Le niveau de service s’est amélioré, mais n’atteint pas encore la cible

Le service s’est amélioré beaucoup plus que ce à quoi je m’attendais, mais il n’atteint pas encore le niveau qui permettrait aux grandes bannières de prévaloir à long terme : un service le même jour, pas de substitution de produit non autorisée et des frais de livraison inférieurs à 5 % de la valeur de la commande.

 

L’année dernière, il m’arrivait à l’occasion de commander chez Metro, qui offrait un service en 48 ou 72 heures à partir de l’été et dont l’offre de produits était plus large que celle de Young Brothers. Dans tous les cas, les commandes étaient incomplètes ou contenaient des substitutions qui ne faisaient pas l’affaire. Le problème des substitutions perdure cette année et les délais de livraison sont toujours de 24 à 48 heures. Je ne commande donc plus en ligne chez Metro ☹.

 

J’ai récemment testé le service en ligne d’IGA : livraison en 24 heures et commande à 100 % complète. Malheureusement, on m’a avisé le lendemain que les commandes en ligne d’IGA ne seraient plus disponibles dans mon quartier, en plein centre de l’île de Montréal. J’ai eu l’impression d’avoir été laissé après une première « date »💔.

 

J’ai fait une nouvelle tentative avec Provigo et c’est là que j’ai eu la plus belle surprise. En mars 2020, le mieux que je pouvais espérer était d’aller ramasser moi-même la semaine suivante. Maintenant, je reçois à 17 h une commande passée à midi le jour même. On m’appelle pour autoriser des substitutions mineures. Presque le bonheur. Je dis « presque », parce que j’ai dû payer des frais de livraison de 9,95 $, ce qui est assez élevé pour ma commande de 115 $, mais qui n’aurait pas été si mal pour une commande de 250 $, au temps où les enfants étaient encore à la maison 🤔.

À la recherche de solutions durables

Toutes les solutions qui sont offertes au Québec s’appuient pour l’instant sur la préparation manuelle des commandes en magasin. Les marges de profit des marchands étant minces, cette approche n’est pas viable à grande échelle. C’est pourquoi Sobeys, Loblaws et Metro devront consentir des investissements de centaines de millions de dollars pour espérer arriver à une solution automatisée durable après un long processus d’apprentissage par essais et erreurs. Leurs bilans sont sains, mais elles font face à la concurrence des plateformes « natives » comme Lufa, SPUD et Goodfood, fondées par des Milléniaux.

 

Il est trop tôt pour prédire l’issue de la bataille.

Sobeys a une longueur d’avance sur ses deux rivaux

Parmi les trois grandes bannières, Sobeys est en avance, à la fois au niveau de la vision, du savoir-faire et des investissements. L’entreprise a signé à l’automne 2018 (un an et demi avant la pandémie) un partenariat avec Ocado, le leader anglais de l’épicerie en ligne, pour le lancement d’une plateforme nationale appelée « Voilà ». Elle s’appuiera sur 3 ou 4 méga-entrepôts appelés « CFC » (« Consumer Fulfillment Centers ») entièrement robotisés, chacun desservant un marché de 200 km à la ronde. Les CFC seront situés dans les principaux centres urbains de Toronto, Montréal, Calgary et Vancouver, qui représentent 75 % du marché canadien. Ces entrepôts robotisés peuvent préparer une commande en 5 à 10 minutes.  

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Des mini-entrepôts utilisant eux aussi des robots desserviront les marchés secondaires comme Ottawa, Edmonton et Québec. Les marchés ruraux seront desservis par un service de ramassage en magasin. Les trois types de service seront pris en charge par le même système intégré mis au point par Ocado.

Le premier CFC de Voilà a été ouvert à Toronto à l’été 2020. Le second ouvrira à Montréal au début de 2022, en même temps que des mini-entrepôts à Ottawa et à Québec. Le ramassage en magasin sur la plateforme Voilà a été lancé en Nouvelle-Écosse à l’automne 2020.

Aux États-Unis, Ocado est également le partenaire exclusif de Kroger, la chaîne de supermarchés américaine la plus avancée en commerce électronique.

 

La viabilité d’un modèle s’appuyant sur des méga-entrepôts reste cependant à prouver. Ce modèle réduit au minimum les ruptures de stock ainsi que le temps et le coût de préparation des commandes. Toutefois, les frais et les délais additionnels de livraison sur des distances allant jusqu’à 200 km pourraient être plus importants que les gains réalisés à l’entrepôt.

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Le premier CFC ouvert par Sobeys à Toronto en juin 2020

En Chine, toutes les plateformes s’appuient sur des micro-entrepôts de proximité qui priorisent la réduction des frais et des délais de livraison à partir de l’entrepôt. Si l’expérience des méga-entrepôts n’est pas concluante, Sobeys pourrait rapidement changer son fusil d’épaule et s’appuyer avec Ocado sur un réseau de mini-entrepôts desservant les grands centres urbains.

Loblaws regagne du terrain

En novembre 2019, quatre mois avant la pandémie, Loblaws a signé une entente avec la société américaine Takeoff Technologies. Celle-ci offre une solution basée sur un réseau de mini-entrepôts de proximité automatisés, soit des « MFC » (« Micro Fulfillment Centers ») qui peuvent être installés à l’intérieur de magasins existants. C’est la solution chinoise, et celle retenue aux États-Unis par Safeway, Stop & Shop, HEB, Walmart et ShopRite.

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Metro est plus prudente

Loblaws avait conçu avant la pandémie un système de ramassage en magasin assez bien rodé, qui lui a été utile en 2020. Elle a commencé à offrir les services d’Instacart à sa clientèle en début de pandémie, puis a continué d’investir dans les capacités de livraison de ses propres magasins. Le MFC pilote a démarré en 2020 dans un magasin Real Canadian Superstore de la région de Toronto. La direction a mentionné l’automne dernier que le modèle serait au cœur de la stratégie de croissance de Loblaws. Aucune nouvelle depuis. La direction a-t-elle changé d’idée ou s’apprête-t-elle à annoncer elle aussi un plan ambitieux?

Metro se montre prudente et très discrète sur ses projets. Lorsque vous vous inscrivez en ligne à son service de livraison, on vous demande de choisir votre magasin préféré.  En réalité, il y a peu de chances que ce soit ce magasin qui prépare vos commandes.  En effet, jusqu’ici, toutes les commandes en ligne pour livraison au Québec ont été préparées manuellement dans un des 9 magasins que l’on a dotés de l’espace nécessaire et d’une équipe dédiée. Deux magasins du même genre ont également été ouverts en Ontario.

Un entrepôt de 110,000 pieds carrés dédié aux commandes en ligne vient cependant d’ouvrir pour couvrir toute l’île de Montréal. On y stocke une gamme élargie de produits, mais et les commandes y sont toujours assemblées manuellement. Les régions du Québec continueront pour l’instant d’être desservies par des magasins spécialisés. On construirait un entrepôt dédié similaire à celui de Montréal à Toronto. 

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L’entrepôt de Metro dédié aux commandes en ligne à Ville St-Laurent

Il est évident qu’un centre de préparation manuelle des commandes ne pourrait traiter une part importante du chiffre d’affaires d’une chaîne comme Metro. La direction a probablement décidé d’attendre de voir quel modèle opérationnel fonctionnera le mieux chez Sobeys et Loblaws avant de consentir des investissements importants en capital.

Une partie de poker

Sobeys investit des sommes énormes dans l’automatisation de la préparation des commandes. Loblaws semble avoir mis ses plans d’automatisation sur pause, ayant amélioré son niveau de service en s’appuyant sur une préparation manuelle des commandes dans ses magasins existants. Metro s’en tient pour l’instant elle aussi aux solutions manuelles. Rien de cela ne doit encore être bien payant.

 

La transition vers le commerce en ligne réduit les marges à court terme et requiert des investissements en capital importants, alors que le succès à long terme de chaque solution demeure incertain. Il faudra un sang-froid hors de l’ordinaire de la part des dirigeants et des conseils d’administration pour garder le cap, bien qu’ils aient sur la table suffisamment de jetons pour rester dans le jeu.

La pression est moindre sur les plateformes natives qui n’ont pas à rentabiliser des réseaux de magasins brique et mortier.

J’attends impatiemment de voir l’impact que les entrepôts spécialisés de Metro et de « Voilà par IGA » à Montréal auront sur le niveau de service. Pour l’instant, je continue avec Provigo et Young Brothers pour la plus grande partie de mes produits d’épicerie. Je passe chercher au marché Laurier des paniers de légumes provenant de la ferme des étudiants de McGill où travaille ma fille. Enfin, je viens de réactiver mon compte Goodfood pour faire l’essai du nouveau service WOW.

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