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Faire affaires en Chine

Mis à jour : 11 nov. 2018

Je fais des affaires en Chine depuis plus de 30 ans. Deux facteurs y déterminent toujours les chances de succès des entreprises étrangères.

Le premier est qu’il faut, pour réussir, bénéficier déjà d’une position de leadership dans son industrie au Canada ou même en Amérique du Nord. Si la Chine offre des opportunités d’affaires spectaculaires, la concurrence est féroce. Vous y affronterez à la fois les leaders asiatiques, européens et nord-américains de votre industrie, qui y investiront chacun des sommes considérables. Vous ne les devancerez pas en Chine si vous n’y arrivez pas chez vous.

Le second facteur est qu’il faut être prêt à engager des ressources importantes avec une vision à long terme. C’est un marché stratégique que l’on attaque avec patience parce qu’on est convaincu qu’il deviendra éventuellement un des plus importants pour l’entreprise. Ce n’est jamais un marché que l’on peut développer de façon opportuniste.

 

Mais il y a du nouveau : il en faut maintenant beaucoup pour impressionner les consommateurs chinois.

Pour la plupart des entreprises nord-américaines, cela veut dire s’abstenir. Pour celles qui se qualifient, il faut prévoir des ressources adéquates, mais également procéder de façon délibérée et méthodique.

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Un continent composé de 7 régions

La première chose à savoir avant de s’aventurer en Chine est qu’il s’agit non pas d’un marché homogène mais d’un continent composé de 7 régions, aussi différentes les unes des autres que l’Allemagne de la France. La plupart ont une population de 200 à 300 millions, ont des réseaux d’affaires distincts et des habitants qui parlent des langues distinctes. Le Mandarin est la langue officielle, mais on parle Cantonais à Hong Kong et le dialecte local à Shanghai. À l’exception des géants du commerce électronique, aucun partenaire de distribution ne couvre adéquatement l’ensemble du pays. Il faut donc procéder région par région. 

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La barrière linguistique

 

Il faut ensuite réaliser que très peu de Chinois parlent l’anglais. Non seulement ils ne parlent pas l’anglais, mais ils ne peuvent habituellement pas non plus lire les mots en lettres romaines. Si vous espérez réaliser des ventes importantes en Chine, il vous faut un nom en caractères chinois. Les acheteurs et consommateurs voudront faire des recherches en ligne sur votre entreprise en tapant des caractères chinois dans le moteur de recherche. Votre site web devra évidemment aussi être en chinois pour qu’ils vous trouvent.

Le facteur culturel

Se présenter en chinois n’est pas suffisant. Il faut prendre le temps de comprendre la culture et la réalité locale.

 

D’une part, les produits et concepts doivent fréquemment être adaptés. Les dimensions des boîtes de produits

alimentaires doivent être revues pour tenir compte des armoires de cuisine plus exigües. Starbucks a revu la conception de ses cafés pour en faire des centres de rencontres sociales plutôt que des endroits où les gens viennent travailler en solitaire avec leur portable.

Les codes sociaux sont différents et il faut savoir comment développer la loyauté des employés et partenaires. La clé ici est de s’appuyer sur une équipe largement recrutée localement.

 

En premier lieu, étudiez le marché, développez une vision et un plan d’affaires

Si vous voulez réussir en Chine, il faut vous familiariser avec le marché avant de commencer. Commandez une étude de marché. Ou prenez au moins 2 semaines à étudier une ou deux des plus importantes régions avec quelqu’un qui parle chinois. Visitez des clients, détaillants ou distributeurs potentiels, étudiez les concurrents, notez les prix, posez plein de questions. Vous serez surpris de la quantité d’information que les gens partageront avec vous.

 

Il vous faut d’abord estimer la taille et la croissance du marché, de chacun de ses segments et les parts de marché estimées des principaux concurrents.

Le marché chinois est énorme, mais concurrentiel et segmenté. Il est primordial de déterminer quelle région et quel segment viser. Établissez clairement quels y seront vos avantages concurrentiels. Déterminez si vous devrez apporter des changements importants à votre produit ou concept pour réussir.

 

Finalement, comprenez bien le rôle que votre entreprise peut espérer jouer sur le marché chinois et quel est votre potentiel de ventes sur 3 et 5 ans. Évaluez les ressources nécessaires et la profitabilité pour la même période. Déterminez vos objectifs, obtenez le support de vos investisseurs et de votre conseil d’administration. L’exercice vous aura donné une vision et un plan d’affaires.

Le choix des partenaires

Seulement lorsque l’étape précédente est complétée, vous pourrez commencer à identifier des partenaires. Établissez des critères rigoureux de sélection: régions, type de clientèle, force de vente, capacités financières, vision, plan d’affaires cohérent avec le vôtre. Votre étude de marché vous aura permis d’identifier des clients et/ou distributeurs potentiels. Continuez la recherche, puis rencontrez les prospects qui vous semblent offrir le meilleur potentiel. Il est essentiel d’aller les visiter sur place. Évaluez-les chacun rigoureusement selon les mêmes critères de sélection.

Ne démarrez pas avec quelqu’un simplement parce qu’il vous a téléphoné ou visité et qu’il a l’air sympathique. C’est une erreur fréquente des gens qui commencent à faire affaires en Chine. Comparez ses capacités avec des alternatives. Assurez-vous qu’il ou elle a les moyens, l’expérience et les réseaux pour vous faire réussir.

 

Prenez le temps qu’il faut. Démarrer avec le mauvais partenaire vous fera perdre beaucoup de temps et d’argent.

Les outils de communication

Ici, tout passe par le cellulaire. En arrivant en Chine, le forfait international de votre fournisseur internet vous permettra de rester en contact avec la maison. Mais il n’est pas adéquat pour les communications locales. Il vous faudra une carte SIM d’un fournisseur chinois comme China Mobile, qui vous donnera un numéro de téléphone chinois. Personne en Chine ne voudrait composer un numéro international pour vous rejoindre. Vous pouvez les obtenir avec un forfait abordable, soit directement de votre hôtel, soit d’une boutique habituellement à quelques minutes de marche.

En vérité on parle peu au téléphone avec de nouveaux partenaires d’affaires. Et le courriel est peu utilisé.  Les communications passent par WeChat (微信 ou ‘Weixin’). Prenez vos rendez-vous avant d’arriver en Chine sur WeChat, faites vos suivis au retour avec WeChat.

Le commerce électronique

À cause de son adoption rapide par une population jeune, la Chine est le plus important marché de commerce électronique au monde. Les Chinois achèteront en ligne pour un billion (oui, mille milliards!) de dollars américains en 2019.

500 millions de consommateurs chinois, la majorité âgés de 20 à 40 ans, achètent en ligne.  90% du commerce en ligne passe par des portails qui permettent de comparer les prix et les produits, plutôt que par les sites web des entreprises. Alibaba, avec son portail TMall (天猫 ‘Tianmao’) contrôle 50% du commerce B2C. JD.com (京东 ‘Jingdong’) est le deuxième plus important portail avec 30% du marché. Selon les ventes escomptées, les fournisseurs peuvent soit construire et lancer leur propre ‘magasin’ en ligne avec une entité légale et un entrepôt de livraison en Chine, soit utiliser une tierce partie pour les construire et les gérer, ou encore vendre leurs produits à TMall ou JD.com qui eux les offriront sur leur site web comme détaillants.

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Une série de portails spécialisés visant des marchés de niche ont émergé au cours des dernières années. C’est le cas par exemple de Womaiwang (我买网), un portail B2C de produits d’alimentation naturels et de GFresh (极鲜网), un portail B2B de fruits de mer.

Les ventes en ligne ont connu une augmentation annuelle moyenne de 65% au cours de la dernière décennie. 80% des transactions en Chine se font sans argent comptant, 60% de façon numérique.

Pour plus de détails, lisez l’excellent ‘Guide to E-Commerce in China’ publié par le service des délégués commerciaux du Canada (Canadian Trade Commissioner Service).

Les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux sont devenus les principaux médias de communication pour les produits de consommation. On y publie des vidéos promotionnels. On travaille avec des ‘influenceurs’ qui parlent de nos produits. Les plus importants :

  • QQ: 600 millions d’utilisateurs mensuels. La plateforme regroupe une messagerie instantanée, des blogs, des jeux, le paiement en ligne. C’est l’exception pour l’utilisation des lettres romaines, parce qu’il est beaucoup utilisé par des étudiants pour créer des groupes de discussion.

 

  • WeChat (‘Weixin’,微信): un milliard d’utilisateurs mensuels. À l’origine une application de messagerie, elle est maintenant probablement la plateforme la plus multifonctionnelle du monde. Elle joue un rôle important dans le marché chinois du commerce électronique. On peut y commander un taxi, faire une réservation dans un restaurant, acheter des billets de cinéma, acheter des marchandises en ligne et accéder à des jeux vidéo. C’est aussi de loin la plus importante application de paiement électronique en Chine. Elle permet même de payer des ‘dumplings’ en scannant le code QR d’un kiosque de rue avec son cellulaire. Les messages et les vidéos promotionnels qu’on y place sont maintenant des outils essentiels des stratégies marketing de marque.                                                                                   

 

  • Sina Weibo (微博): une application de partage de nouvelles souvent appelée le ‘twitter chinois’. Elle comprend également des fonctions de micro-blogue avec des publications jusqu’à 10 000 caractères et permet la publication de vidéos. Il n’est pas nécessaire d’être abonné à un compte pour visualiser ses activités et ses nouvelles, ce qui fait de Weibo une plate-forme ouverte. Elle est également un des outils principaux de promotion des marques en Chine.

 

Les ressources

Les ressources doivent être à la mesure du potentiel du marché.

Un membre influent de votre équipe de direction doit être dédié à la Chine. Il ou elle devra avoir la responsabilité de développer le plan d’affaires et de supporter le travail de vos partenaires ou de votre organisation en Chine. Avant de démarrer, il lui faudra visiter le pays plusieurs fois, puis poursuivre les visites régulièrement par la suite, c’est-à-dire au minimum 3 ou 4 fois par année.

Il vous faut ensuite, au départ, un solide représentant sur le terrain en Chine qui suivra de près le travail de vos partenaires, démarchera les nouvelles opportunités, et se tiendra à jour sur les initiatives de la concurrence et les développements dans votre industrie. Si les choses se passent bien, rapidement vous aurez besoin d’une force de vente dans le pays, avec des représentants dans les régions les plus importantes. L’organisation évoluera avec les fonctions opérationnelles et des activités de R&D gérées localement. Les activités de promotion devront être bien financées. Le leader de cette organisation devra alors être quelqu’un de haut calibre.

Prévoyez les ressources et le financement quelques années à l’avance, avec l’aval de vos investisseurs et de votre conseil d’administration.

Un exemple de succès

Starbucks, déjà mentionné plusieurs fois dans cet article, est un des meilleurs exemples de succès en Chine pour une entreprise occidentale. Le premier Starbucks a été ouvert à Beijing dans les années ’90. Howard Schultz a crû très tôt que la Chine allait éventuellement devenir un marché plus important pour l’entreprise que celui des États-Unis. Le développement en Chine est depuis longtemps une des priorités de la direction.

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Aujourd’hui Starbucks compte 3 300 magasins, dont plusieurs des plus profitables au monde, dans 141 villes en Chine. La compagnie y emploie 50 000 employés dans le pays où elle est connue sous le nom de ‘Xingbake’ (星巴克).

Les opérations sont dirigées par Belinda Wong, originaire de Hong Kong, qui a joint Starbucks en 2000 après avoir travaillé avec McDonald’s China. Son équipe établit de façon autonome la vision, la stratégie de croissance, d’acquisition et de rétention de talent ainsi que de gestion de la marque pour la Chine. 

Le Starbucks Reserve Roastery à Shanghai est de loin le magasin le plus innovant de la chaîne au niveau mondial, inspiré par le ‘New Retail’ (Voir l’article précédent, ‘L’innovation vient désormais de la Chine’). Starbucks a travaillé au nouveau concept avec Alibaba, qui a développé une technologie de réalité augmentée pour améliorer l’expérience client, et qui aide la chaîne à lancer son nouveau service de livraison rapide de café.

Et un d’échec

À l’opposé, les entreprises qui se lancent en Chine sans avantage concurrentiel durable ni ressources financières suffisantes tombent comme des mouches.

Lassonde, aujourd’hui le plus important fabricant de jus de fruit au Canada, avait dans les années ’90 investit dans une usine en Chine, où elle avait été parmi les premières à commercialiser du jus de fruit pur. Initialement, dans un environnement sans concurrence, les ventes connurent une croissance rapide et la profitabilité dépassa les attentes.

Ceux qui ont joué un rôle clé dans la gestion des opérations chinoises donnent des versions contradictoires des causes de ce qui arriva par la suite. Ce qui est certain, c’est que Lassonde n’était encore à l’époque qu’une entreprise moyenne exploitant des marques régionales dans l’est du Canada. Lorsque les grandes marques mondiales de jus se lancèrent sur le marché avec des ressources considérables quelques années plus tard, les choses basculèrent rapidement. Les ventes chutèrent et les pertes atteignirent un niveau si élevé qu’elles menacèrent la survie de l’entreprise mère canadienne, avant qu’elle ne mette fin abruptement à ses opérations en Chine.

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